Interview : Olivier Sichel, Directeur de la Banque des Territoires

Olivier Sichel is the president of the Banque des Territoires. We met him during the TRANSITION FORUM in Nice on octobre 1.

 
 

1. Depuis 2018, la Banque des Territoires représente un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos activités de conseil et de financement pour les territoires ?

La Banque des Territoires, c’est effectivement une structure au sein de la Caisse des Dépôts qui a tous les leviers pour le développement des territoires. On prête beaucoup en s’appuyant sur le Livret A et le Livret Développement Durable. Cela représente entre 10 et 12 milliards chaque année. On investit dans les énergies nouvelles renouvelables (près de 2 milliards d’euros chaque année). Et on opère dans le logement social : nous sommes l’un des plus gros bailleurs sociaux avec 500 000 logements.

 

2. Quelle est la place de la transition écologique au sein de la Banque des Territoires ?

Elle est majeure. C’est un axe très fort de développement. Dans le cadre du Plan Climat que nous avons lancé avec Bpifrance pour un montant total de 40 milliards, Bpifrance gère 20 milliards tournés vers les entreprises, l’innovation technologique et la décarbonation des processus industriels. Nous, nous nous occupons de la transition écologique des territoires. Cela concerne d’une part l’habitat, avec la rénovation thermique, en particulier du logement social. Cette année, nous avons financé la rénovation de près de 100 000 logements qui étaient des passoires thermiques. Cela concerne aussi les bâtiments publics. Je pense notamment aux écoles. J’étais au Transition Forum ce matin avec Christian Estrosi et nous avons parlé de la rénovation thermique des écoles et de tous les bâtiments. Tout cela, c’est la partie bâtiment qui compte beaucoup en termes d’émissions de carbone.

Mais il y aussi le transport. Là, nous nous occupons essentiellement de la partie infrastructures. Par exemple, du fait du nombre croissant de véhicules électriques, il va falloir déployer des bornes. Donc nous discutons aussi avec les maires de France de leur schéma d’infrastructures de recharge. En gros, où met-on les bornes ? Qui les finance ? Et comment tout cela peut-il être optimisé ? La partie transport concerne aussi les équipements de mobilité des collectivités, à l’exemple des bus. Les discussions portent sur les bus à hydrogène et même des bennes à ordures dont beaucoup fonctionnent encore au Diesel.

Donc bâtiment et transport sont nos secteurs d’intervention. Mais à côté de cela, nous avons une grosse partie investissement dans les énergies nouvelles et renouvelables. Par exemple, nous travaillons actuellement à Bordeaux sur une importante ferme solaire dans une ancienne décharge. Cette centrale PV va être capable de produire une électricité propre pour un Bordelais sur sept.

 

3. A quoi correspond un euro apporté par la Banque des Territoires au final ?

On essaie d’avoir un effet de levier : c’est très important. Quand la Banque des Territoires met un euro, d’autres euros viennent en effet de nos partenaires bancaires et investisseurs privés. On est assez contents parce qu’on a un effet de levier de sept pour le calcul. Donc quand nous apportons un euro, ce sont sept euros qui vont aller dans le projet d’investissement global. Par exemple, dans la centrale PV de Bordeaux, la Banque des Territoires va être investisseur avec un partenaire privé (JP2E) que l’on va endetter en allant voir les banques (Crédit Agricole, Crédit Mutuel, Caisse d’Epargne…) qui vont financer. Et avec u  euro, on mettra en fait sept euros autour de la table.

C’est extrêmement important pour nous d’avoir cet effet de levier. Et on tend à l’accroître et à le développer car on s’aperçoit que la Banque des Territoires est une belle marque qui inspire confiance : c’est l’argent des Français que l’on met au travail, l’argent du Livret A. Nous sommes un établissement public : nous avons l’habitude d’être prudents mais parfois aussi audacieux. Et ce qui nous permet de faire cela, c’est qu’on est dans le long terme. Il y a certes un risque mais si l’on reste sur des projets qui vont être longs (15, 20, voire 30 ans), alors on a plus de chances de faire en sorte que ces projets fonctionnent.

 

4. Comment mobilisez-vous les acteurs privés ?

C’est notre partie « investissement ». Dans cette partie, on essaie d’être au centre de l’écosystème. On a une relation privilégiée avec les élus : ils nous font confiance et nous sommes capables d’avoir un vrai degré d’intimité avec les maires. Par exemple, ce matin sur le Transition Forum, Christian Estrosi nous a dit ses principales directions (tourisme, verdissement, rénovation thermique des bâtiments, rénovation de sa flotte, projet H2 sur le port). On est au courant de cette volonté et quand nous échangeons avec nos partenaires investisseurs du domaine privé, nous sommes capables de leur dire que Nice veut investir dans le tourisme, l’hydrogène, les bus électriques, etc. Nous avons une capacité à monter des projets de financements.

Nous sommes aussi un acteur très important pour les fonds européens. De grandes structures comme le Fonds européen d’investissement et la Banque européenne d’investissement n’ont pas la possibilité de voir le maire de Nice tous les jours. Ils nous font confiance. On est ce que l’on appelle « implementing partner ». Ce qui signifie qu’on distribue les fonds européens pour ces projets. On se met d’accord une fois pour toutes avec eux, ils nous disent exactement ce qu’ils veulent financer et nous, on trouve les projets. Donc on est vraiment au centre de cet écosystème avec une confiance à la fois de la part des élus (on en hérite car cela fait plus de 200 ans que la CDC existe) et des partenaires privés qui savent qu’avec nous, ils ont plus de chances de réussir.

 

5. Et ce 1er octobre, vous vous associez à l’AMI de Transition Forum dont l’objectif est de mettre en valeur des solutions de coopération territoires / entreprises innovantes. Quel message clé souhaitez-vous adresser aux porteurs de projets ?

On a besoin de ces projets. La réalité, c’est que nous n’avons pas trop de mal à travailler avec les grandes entreprises. On était ce matin sur le Transition Forum avec Antoine Frérot de Veolia : il nous connaît et quand on a un gros travail à faire sur un incinérateur comme on le fait par exemple sur la ville de Nice, on a l’habitude et les équipes savent travailler ensemble. C’est très bien mais ce n’est pas suffisant. Il nous faut aussi des projets innovants, des projets qui viennent des territoires. Et ce que cet accord nous permet de faire, c’est de sourcer beaucoup de projets de territoires, de repérer ceux qui ont une capacité de passer à l’échelle, c’est à dire d’être dupliqués / répliqués sur tous les territoires, pour les accompagner en financement mais aussi d’un point de vue technique, juridique et financier. Nous pouvons alors dire : vous pouvez monter votre projet comme cela et nous, on est en capacité de vous accompagner.

Rendez-vous au prochain Transition Forum dans un an pour faire un premier point sur les projets retenus.


Le Plan Climat commun Banque des Territoires et Bpifrance

Lancé en septembre 2020, ce Plan Climat commun repose sur trois piliers : accélérer la transition environnementale des entreprises et des territoires, accompagner le développement des énergies renouvelables, financer et accompagner l’innovation dans les ‘greentechs’ et les réseaux durables et résilients. Au total, 40 milliards d’euros seront mobilisés sur la période 2020 - 2024.

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